Il était une fois...

Promotion de la santé et hygiène du milieu : chronologie

10 000 ans avant notre ère

Révolution agricole

Les êtres humains deviennent sédentaires et abandonnent le nomadisme.


1780

  1. Révolution industrielle (machine à vapeur)

  2. Début de l’exode rural et croissance des villes.


1802

Conseil d’hygiène du département de la Seine (France)


1832

Épidémie de choléra à Paris (France)


1844

Création de la Health of Towns Association (Angleterre)


1848

Public Health Act adopté en Angleterre (Loi sur la santé publique)


1854

Épidémie de choléra à Londres: Dr. John Snow enlève le bras de la pompe à main du puit infecté de la rue Broad (Soho) et endigue l’épidémie.


1876

Hygeia, A city of Health, Benjamin Ward Richardson (Angleterre)


1880

Louis Pasteur, Vaccin contre la rage (France)


1928

Alexandre Fleming, Pénicilline (Écosse)


1962

Silent Spring, Rachel Carson (Dangers du DDT, États-Unis)


1974

Rapport Lalonde (Canada)


1978

Déclaration d’Alma Ata (OMS, Santé pour tous) (Kazahkstan / Union soviétique à l'époque)


1984

Beyond Health Care (Conférence à Toronto, au Canada)


1986

Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé (OMS) (Canada)

La nouvelle santé publique

Série de conférences sur la promotion de la santé ultérieures.

Marc Lalonde, 40 ans après

11 novembre 2014

L’apôtre de la santé moderne revient sur son rapport de 1974 avec le recul des années

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Journaliste

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Marc Lalonde, ancien ministre de la Santé nationale et du Bien-être social de Pierre Trudeau. a signé le rapport qui révolutionna la promotion de la santé dans le monde, Nouvelle perspective de la santé des Canadiens.

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Photo : Charles-Antoine Rouyer

Le rapport Lalonde en bref


Radioscopie de la gueule de bois du baby-boom ?


En 1974, le rapport Lalonde du ministre fédéral canadien de la Santé nationale et du Bien-être social révolutionna dans le monde entier la manière d’aborder la santé humaine.

    « Nouvelle perspective de la santé des Canadiens » propose une conception globale de la santé humaine en identifiant quatre domaines principaux déterminants en la matière, par ordre d’importance :

  1. la biologie humaine;

  2. l’environnement;

  3. les habitudes de vie;

  4. l’organisation des soins de santé (et en dernière et quatrième position.)

    « La santé est l’assise du progrès social. Les citoyens d’un pays ne peuvent tirer pleinement parti de la vie et n’être heureux que dans la mesure où ils jouissent d’une bonne santé », résume d’emblée le premier paragraphe de l’avant-propos du rapport en 1974.

    Le gouvernement canadien fut ainsi le premier au monde à recommander d’élaborer des politiques publiques soulignant l’importance du contexte d’un individu, du cadre de vie sur l’état de santé d’une personne ou autrement dit, de l’environnement, tant physique que socio-économique.

    « Les hôpitaux, les médecins, les chirurgiens et la profession infirmière consacrent le gros de leurs efforts au traitement des maladies causées par des éléments nocifs du milieu et des excès sur le plan individuel », explique le rapport Lalonde.

    Présenté à la Chambre des communes le 1er mai 1974, le livre vert reçoit tout d’abord un accueil frileux au Canada mais a « un retentissement immédiat sur la scène internationale », explique l’ouvrage La santé publique : une histoire canadienne, de l’Association canadienne de santé publique.   

    Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Suède adopteront alors rapidement cette démarche d’une conception globale de la santé.

    Ainsi, trente ans après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le Canada sera somme toute le premier à tirer la sonnette d’alarme sur les répercussions sur la santé des nouvelles habitudes de vie adoptées dans le tourbillon de croissance économique de l’après-guerre.

    « Parallèlement aux améliorations apportées sur le plan des soins médicaux, du niveau de vie, de la protection de la santé publique et des sciences médicales, de puissantes forces adverses sont venues freiner les efforts visant à hausser le niveau de santé des Canadiens.

    Parmi ces forces adverses qui en somme ne sont que la rançon du progrès économique, mentionnons : la pollution de l’environnement, la vie en milieu urbain, le manque d’exercice, l’abus de l’alcool, du tabac et des drogues et enfin, les habitudes alimentaires qui de nos jours sont axées davantage sur la satisfaction des sens que sur les besoins du corps humain. »

« Pour exceptionnels que les soins médicaux puissent être au Canada comparativement à beaucoup d’autres pays, il ne fait guère de doute que l’action future visant à améliorer l’état de santé des Canadiens devra s’orienter davantage vers l’assainissement du milieu, la réduction des risques auxquels l’individu s’expose délibérément et la connaissance plus approfondie de la biologie humaine », conclut le rapport Lalonde en 1974.


 

La genèse du concept de santé globale de 1972 à 1974

Le concept de santé globale et ses quatre grandes catégories de déterminants de la santé au cœur du rapport Lalonde ont été publiés pour la première fois en 1973 dans l'article Health Policy: breaking the problem down into more manageable segments, dans le Journal de l'Association médicale canadienne.


L'auteur de l'article est Hubert Laframboise, directeur général de la Direction de la planification des services de santé à long terme au sein du Ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, rappelleTrevor Hancock, docteur spécialisé en santé publique et consultant en promotion de la santé dans l'article Lalonde and Beyond.


Le concept de santé globale décrit en détail dans cet article de Hubert Laframboise de février 1973 a été élaboré au cours des six mois précédents, précise Lindsey McKay dans « Making the Lalonde report ».


Un document préliminaire

« En août 1972, il [H. Laframboise] rédigea un article intitulé: “A Conceptual Approach to the Analysis and Evaluation of the Health Field” » (Une approche conceptuelle à l'analyse et à l'évaluation du domaine de la santé).


Le document sera ensuite révisé plusieurs fois, ajoute Lindsey McKay. « Des versions d’un article qui formulait la conception de santé globale ont circulé parmi les cadres supérieurs du service. Ce processus de raffinement a débouché sur la publication [de l’article] de Laframboise en 1973. »


Après sa publication en février 1973, ce concept de santé globale (en anglais « Health Field Concept » ou HFC) sera diffusé dans les milieux spécialisés au cours des douze mois suivants.


À Genève puis Ottawa

« Le concept avait été présenté par Marc Lalonde lors de l’Assemblée mondiale de la santé à Genève en mai 1973 », précise Trevor Hancock, « lors d’une réunion de l’Organisation panaméricaine de la santé à Ottawa en septembre 1973, puis lors d’une réunion du ministre fédéral et des ministres provinciaux de la Santé en février 1974. »


Le rapport sera présenté en Conseil des ministres en janvier 1974, indique Lindsey McKay. Le document sera finalement rendu public au parlement canadien le 1er mai 1974, rappelle Trevor Hancock, à présent Professeur et chercheur principal à l’École de santé publique et de politique sociale de l’Université de Victoria, en Colombie-Britannique.


Le concept sera somme toute élaboré à huis clos. « Ce n’est que lors de la présentation du livre vert en Conseil des ministres », rappelle Linda McKay, « que d’autres services ont eu connaissance de son existence et lors de la présentation à la Chambre des communes que des groupes extérieurs ont entendu parler pour la première fois du document. »

Le concept de santé globale a vu le jour sans consultation interne ni externe, grâce au statut bien particulier dont jouissait la Direction de la

planification des services de santé à long terme au sein du Ministère de la Santé nationale et du Bien-être social.


Un groupe de réflexion indépendant

Le sous-ministre Maurice LeClair avait donné à la Direction un rôle de « groupe de réflexion entièrement libre », confie Hubert Laframboise dans un article en 1990, note Lindsey McKay. Selon Hubert Laframboise, « LeClair était convaincu qu’un mandat ouvert aurait plus de chance de faire naître des idées intéressantes plutôt qu’un “mandat extrêmement structuré, avec des objectifs et des résultats fondés sur l’évaluation quantitative de programmes et de propositions.” »


La structure de la Direction s’organisait autour de huit conseillers en planification des politiques chacun responsable d’un domaine précis, explique Lindsay McKay, mais qui ne devaient produire aucune note de synthèse ni participer aux réunions de comités. Pour sa part, le directeur général avait le statut de quasi adjoint au sous-ministre et participait aux réunions des hauts dirigeants.


Pistes cyclables en Suéde

Le marketing social pour réduire l’obésité ou la consommation de tabac sont des domaines qui ont en partie stimulé la réflexion sur le rôle des habitudes de vie et de l’environnement comme déterminant de la santé.


Mais un voyage d’un des conseillers en politiques de la Direction en Suède semble avoir aussi jouer un rôle important, à la suite d’une visite avec la Direction générale de la Condition physique et du Sport amateur. «Il nota que le gouvernement ménageait des possibilités d’améliorer ses habitudes de vie en aménageant des pistes cyclables et des équipements de sport. »


Les thèses de McKeown

La réflexion de la Direction qui débouchera sur le concept de santé globale a profondément été influencée par les travaux de Thomas McKeown, souligne Lindsey McKay.


Le docteur et historien de la démographie britannique avançait que la baisse de la mortalité en Angleterre au cours du siècle précédent provenait d’une amélioration du niveau de vie grâce à la croissance économique dans le sillage de la révolution industrielle, notamment l’alimentation, plutôt que grâce aux progrès de la médecine et de la santé publique.


« À l’automne 1972, Jo Hauser, l’un des conseillers en planification des politiques, présenta les travaux de Thomas McKeown au directeur général », indique Lindsey McKay. « Selon Lafbramboise, “ses écrits prouvaient que l’amélioration de l’état de santé des gens résultaient bien plus des habitudes de vie et de l’environnement que des progrès de la médecine.” »

Visionner l'entrevue complète (20 min.)http://www.youtube.com/watch?v=mrQ2UUKyP70


1972

Avril 

Thomas MKeown publie un nouvel article (An interpretation of the modern rise of population in Europe, Population Studies) 


Août

Hubert Laframboise rédige A Conceptual Approach to the Analysis and Evaluation of the Health Field


Automne

Jo Hauser présente les travaux de Thomas McKeown à Hubert Laframboise


1973

Février

Hubert Laframboise publie Health Policy : breaking the problem down into more manageable segments (Journal de l'Association médicale canadienne)


Avril

Panorama de la mortalité au Canada, 1971


Mai

Marc Lalonde à l'Assemblée mondiale de la santé à Genève (Concept de santé globale)


Septembre

Marc Lalonde à l'Organisation panaméricaine de la santé à Ottawa (Concept de santé globale)


1974

Janvier

Rapport présenté en Conseil des ministres.


Février 

Rapport présenté à la réunion du ministre fédéral et des ministres provinciaux de la Santé canadiens.


1er mai

Nouvelle perspective de la santé des Canadiens présenté au parlement Canadien.

Pour en savoir plus:


  1. Laframboise, Hubert L., Health Policy: breaking the problem down into more manageable segments, Journal de l'Association médicale canadienne, 3 février 1973, vol. 108


  1. Hancock, Trevor, Lalonde and beyond: Looking back at "A New Perspective on the Health of Canadians", Health Promotion, 1986 1(1) 93 – 100


  1. McKay, Lindsey, Making the Lalonde Report, 2000


  1. Colgrove, James, The McKeown Thesis: A Historical Controversy and Its Enduring Influence American Journal of Public Health. 2002 May; 92(5): 725–729.

Si Marc Lalonde devait publier aujourd’hui son rapport qui révolutionna il y a 40 ans la promotion de la santé dans le monde entier, il placerait l’environnement en première position des déterminants de la santé, confie l’ancien ministre de la Santé nationale et du Bien-être social de Pierre Trudeau et signataire du rapport Nouvelle perspective de la santé des Canadiens, publié en 1974.


« Je pense que ma priorité serait sur l’environnement dans son ensemble, l’environnement physique, mais aussi l’environnement social et économique », a déclaré Marc Lalonde en entrevue exclusive à carouyer.com.


Marc Lalonde était de passage à Toronto comme invité à la conférence Creating a pandemic of health (Créer une pandémie de la santé, pandemicofhealth.ca), organisée par l’École de santé publique Dalla Lana de l’Université de Toronto, du 3 au 5 novembre 2014.


L’environnement avant la biologie

« Ce que je ferais différemment, ou le document aurait probablement mis en premier lieu aujourd’hui l’environnement au lieu de la biologie humaine. Parce que nous avons pris conscience plus fortement de l’importance des conditions économiques et sociales des gens, ainsi que de l’environnement en général, l’environnement physique, la pollution, les changements climatiques. »


Ainsi, consacrer davantage d’argent au système de soins de santé (que certains spécialistes appellent d’ailleurs un système de soins de la maladie) ne serait pas la meilleure manière d’investir nos deniers publics pour une meilleure qualité de vie.


« De penser que l’on va automatiquement régler le problème ou améliorer la situation en augmentant les sommes dépensées dans les soins traditionnels, je ne pense pas que ce soit la solution », déclare Marc Lalonde.


Au Canada par exemple, un système de garderies plus abordable comme au Québec serait une bonne solution, mais cela demeure une responsabilité provinciale, souligne Marc Lalonde, Montréalais d’origine. « On vit dans un système fédéral au Canada. Il ne faut pas avoir la réaction instinctive que parce qu’il y a un problème le fédéral doit s’en occuper. »


Au-delà du ministère de la Santé

« Il y a des initiatives que les provinces peuvent et doivent faire. Il y a un leadership intellectuel et parfois financier que le gouvernement fédéral peut fournir », précise le juriste de formation. Mais « si le ministre fédéral [de la Santé] pense que sa fonction c’est d’envoyer des chèques aux provinces, je pense qu’il manque à sa tâche gravement », ajoute-t-il.


« Ce qui extrêmement important, lorsq
ue l’on parle de la santé, est que l’on continue d’être très conscient qu’il y a une dimension qui dépasse de la loin la conception traditionnelle du ministère de la Santé, quand dans le fond cela implique tous les ministères. »


Cela dit, les Canadiens sont en meilleure santé de nos jours. « Depuis 40 ans, il y a eu une amélioration sensible de la longévité et de la santé des Canadiens, mais il reste encore de la place pour davantage d’amélioration », résume Marc Lalonde, qui attribue cette progression à un meilleur niveau de vie et à un style de vie plus sain, grâce « à une prise de conscience des Canadiens de leur responsabilité pour rester en bonne santé. »


Dans le sillage des années 60

Invité à jeter un regard en arrière sur le contexte de l’époque qui a lui permis de publier ce rapport qui a profondément influencé la promotion de la santé dans le monde entier, l’ancien député d’Outremont à Montréal, né le 29 juillet 1929 à l’Île Perrot au sud-ouest de Montréal, sourit. « Il n’y a rien de nouveau sous le soleil », répond Marc Lalonde.


« Il y avait déjà à cette époque une inquiétude devant la croissance des coûts de santé traditionnels et les moyens limités dont les gouvernements disposaient sans avoir à augmenter les impôts de manière considérable. Les coûts de santé étaient à l’époque autour de 6 ou 7 % du PIB, aujourd’hui ils sont rendus à presque à 11. »


« Nous étions un gouvernement qui était dirigé par un intellectuel et il y avait une valorisation de la remise en question de tout. Rappelez-vous que les années 60 et 70 au Canada et dans l’occident, c’était une période de révolution culturelle. C’est dans ce contexte général où les gens étaient prêts à se poser des questions nouvelles et à accepter que les lieux communs soient contestés, que l’on pouvait peut-être faire mieux avec moins dans certains cas. »


Un travail d’équipe

Parallèlement, Marc Lalonde confie que ses valeurs personnelles « de centre gauche » comprenaient le sentiment d’avoir « le devoir de chacun de contribuer à améliorer la société, d’avoir plus de justice dans la société, qu’il était possible de laisser à la génération suivante une société meilleure que celle dans laquelle on avait vécu. »

Mais dans la foulée, le retraité de 85 ans (avec à son actif près de 12 ans de service au sommet de l’état canadien successivement comme ministre des Finances, de l'Énergie, des Mines et des Ressources, de la Justice, délégué à la Situation de la femme, du Sport amateur et de la Santé nationale et du Bien-être social) souligne humblement qu’il doit beaucoup à l’équipe qui a planché sur ce que le monde entier appelle encore de nos jours le rapport Lalonde.


« J’ai été chanceux en ce sens que j’ai eu un sous-ministre de la santé à l’époque exceptionnel, qui s’appelait le Docteur LeClair. Et nous avions constitué un petit groupe rassemblant sociologue, statisticien, économiste. Il était le seul médecin dans le petit groupe, et moi qui était un simple avocat, qui avons véritablement repensé, développé ce concept [de santé globale]. »